Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/371

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subit le dernier arrêt de la puissance parlementaire ; pendu la veille, héros le lendemain, s’il eût vécu vingt-quatre heures de plus. Mais, enfin, l’insurrection se mit parmi les soldats de Navarre. Le marquis de Mortemart émigra ; les officiers le suivirent. Je n’avais ni adopté ni rejeté les nouvelles opinions ; aussi peu disposé à les attaquer qu’à les servir, je ne voulus ni émigrer ni continuer la carrière militaire : je me retirai.

Dégagé de tous liens, j’avais, d’une part, des disputes assez vives avec mon frère et le président de Rosanbo ; de l’autre, des discussions non moins aigres avec Ginguené, La Harpe et Chamfort. Dès ma jeunesse, mon impartialité politique ne plaisait à personne. Au surplus, je n’attachais d’importance aux questions soulevées alors que par des idées générales de liberté et de dignité humaines ; la politique personnelle m’ennuyait ; ma véritable vie était dans des régions plus hautes.

Les rues de Paris, jour et nuit encombrées de peuple, ne me permettaient plus mes flâneries. Pour retrouver le désert, je me réfugiais au théâtre : je m’établissais au fond d’une loge, et laissais errer ma pensée aux vers de Racine, à la musique de Sacchini, ou aux

    nés à la potence, la populace est si bien pour eux qu’on est forcé, pour la maintenir, de braquer contre elle des canons chargés. » (La Révolution, tome I, page 84.) — Le 28 brumaire an II (18 novembre 1793), sur la motion du conventionnel Dubois-Crancé, la Société des Jacobins arrêta qu’il serait demandé à la Convention d’accorder une pension au fils de Bordier. Le Moniteur du 11 frimaire suivant (1er décembre) constate « qu’une fête vient d’être célébrée à Rouen, en l’honneur de Jourdain et Bordier, victimes de l’aristocratie, dont la mémoire est réhabilitée. »