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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tre et les garçons de l’auberge me reçoivent bras pendants et tête nue. Madame la mairesse m’invite à une soirée, au nom des plus belles dames de la ville. M. Billing[1], attaché à mon ambassade, m’attendait. Un dîner d’énormes poissons et de monstrueux quartiers de bœuf restaure monsieur l’ambassadeur, qui n’a point d’appétit et qui n’était pas du tout fatigué. Le peuple, attroupé sous mes fenêtres, fait retentir l’air de huzzas. L’officier revient et pose, malgré moi, des sentinelles à ma porte. Le lendemain, après avoir distribué force argent du roi mon maître, je me mets en route pour Londres, au ronflement du canon, dans une légère voiture, qu’emportent quatre beaux chevaux menés au grand trot par deux élégants jockeys. Mes gens suivent dans d’autres carrosses ; des courriers à ma livrée accompagnent le cortège. Nous passons Cantorbery, attirant les yeux de John Bull et des équipages qui nous croisent. À Black-Heath, bruyère jadis hantée des voleurs, je trouve un village tout neuf. Bientôt m’apparaît l’immense calotte de fumée qui couvre la cité de Londres.

Plongé dans le gouffre de vapeur charbonnée, comme dans une des gueules du Tartare, traversant la ville entière dont je reconnais les rues, j’aborde l’hôtel de l’ambassade, Portland-Place. Le chargé d’affaires, M. le comte Georges de Caraman[2], les secrétaires d’am-

    tructeur de vaisseau ; mais bien Ship-Inn, hôtel du vaisseau. Il est vrai que le propriétaire de l’hôtel s’appelait Wright, et qu’il a été ainsi cause de la méprise. (Chateaubriand et son temps, par M. de Marcellus, p. 46.)

  1. Voir l’Appendice no X : Le Baron Billing et l’ambassade de Londres.
  2. Le comte Georges de Caraman, devenu plus tard ministre