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XXXV
INTRODUCTION

ici encore, il ne saurait être question de déclin et d’affaiblissement littéraire. Ce qui vient ensuite, — la révolution de Juillet, le voyage à Prague et le voyage à Venise, les rêveries au Lido et sur les grands chemins de Bohême, les considérations sur l’avenir du monde, — tout cela est de la même date que les Études historiques et les célèbres brochures sur La Restauration et la monarchie élective, sur le Bannissement de Charles X et de sa famille, et sur la Captivité de Mme la duchesse de Berry. Le génie de l’écrivain avait encore toute sa coloration et toute sa trempe : l’éclair jaillissait encore de l’épée de Roland.

Reste, il est vrai, la partie des Mémoires qui va de 1800 à 1828, et qui a été écrite de 1836 à 1839. Cette partie est-elle inférieure aux autres ? En 1836, Chateaubriand avait soixante-huit ans, l’âge précisément auquel M. Guizot commença d’écrire ses Mémoires, le plus parfait de ses ouvrages. En 1839, l’auteur du Génie du Christianisme avait soixante et onze ans, l’âge auquel Malherbe, dans l’une de ses plus belles odes, s’écriait avec une confiance que justifiait sa pièce même :

Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages ;
Mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
A de quoi témoigner en ses derniers ouvrages
  Sa première vigueur[1].

Chateaubriand se pouvait rendre le même témoignage. Il écrivait alors et faisait paraître le Congrès de Vérone[2].

Ce livre n’est pas autre chose qu’un fragment des Mémoires : l’auteur s’était résolu à le détacher de son œuvre et à le publier séparément, parce que cet épisode, en raison des développements qu’il avait reçus sous sa plume, aurait dérangé l’économie de ses Mémoires et leur eût enlevé ce caractère d’harmonieuse proportion qu’il voulait avant tout leur conserver. Tant vaut le Congrès de

  1. Malherbe, liv. I, ode IX.
  2. Deux vol. in-8o, 1838.