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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

des compagnies les aient employés ou secourus. Des Anglais, des Américains, des Allemands, des Espagnols, des Portugais ont accompli, à l’aide du concours des volontés nationales, ce que chez nous des individus délaissés ont commencé en vain. Mackenzie, et après lui plusieurs autres, au profit des États-Unis et de la Grande-Bretagne, ont fait sur la vastitude de l’Amérique des conquêtes que j’avais rêvées pour agrandir ma terre natale. En cas de succès, j’aurais eu l’honneur d’imposer des noms français à des régions inconnues, de doter mon pays d’une colonie sur l’océan Pacifique, d’enlever le riche commerce des pelleteries à une puissance rivale, d’empêcher cette rivale de s’ouvrir un plus court chemin aux Indes, en mettant la France elle-même en possession de ce chemin. J’ai consigné ces projets dans l’Essai historique, publié à Londres en 1796[1], et ces projets étaient tirés du manuscrit de mes voyages écrit en 1791. Ces dates prouvent que j’avais devancé par mes vœux et par mes travaux les derniers explorateurs des glaces arctiques.

Je ne trouvai aucun encouragement à Philadelphie. J’entrevis dès lors que le but de ce premier voyage serait manqué, et que ma course ne serait que le prélude d’un second et plus long voyage. J’en écrivis en ce sens à M. de Malesherbes, et, en attendant l’avenir, je promis à la poésie ce qui serait perdu pour la science. En effet, si je ne rencontrai pas en Amérique

  1. « L’Essai historique sur les Révolutions fut imprimé à Londres en 1796, par Baylis, et vendu chez de Boffe en 1797. » Avertissement de l’auteur pour l’édition de 1826. Œuvres complètes de Chateaubriand, tome premier.