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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

avec cet âge qui n’appartient encore qu’au plus jeune printemps, qu’à ces jours qui précèdent le mois de mai, et que nos poètes gaulois appelaient l’avrillée.


La tribu de la petite fille à la perle partit ; mon guide, le Hollandais, refusa de m’accompagner au delà de la cataracte ; je le payai et je m’associai avec des trafiquants qui partaient pour descendre l’Ohio ; je jetai, avant de partir, un coup d’œil sur les lacs du Canada. Rien n’est triste comme l’aspect de ces lacs. Les plaines de l’Océan et de la Méditerranée ouvrent des chemins aux nations, et leurs bords sont ou furent habités par des peuples civilisés, nombreux et puissants ; les lacs du Canada ne présentent que la nudité de leurs eaux, laquelle va rejoindre une terre dévêtue : solitudes qui séparent d’autres solitudes. Des rivages sans habitants regardent des mers sans vaisseaux ; vous descendez des flots déserts sur des grèves désertes.

Le lac Érié a plus de cent lieues de circonférence. Les nations riveraines furent exterminées par les Iroquois, il y a deux siècles. C’est une chose effrayante que de voir les Indiens s’aventurer dans des nacelles d’écorce sur ce lac renommé par ses tempêtes, où fourmillaient autrefois des myriades de serpents. Ces Indiens suspendent leurs manitous à la poupe des canots, et s’élancent au milieu des tourbillons entre les

    que sa fille qui ne la quitte guère, et elle agit en maîtresse de maison. Elles ont toutes deux reçu de lui de magnifiques présents, notamment des perles du plus grand prix, que Mme de Lièven dit supérieures à celles des grandes-duchesses elles-mêmes. »