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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

régime à part ? D’un côté, le lien fédéral est-il assez fort pour maintenir l’union et contraindre chaque État à s’y resserrer ? D’un autre côté, si l’on augmente le pouvoir de la présidence, le despotisme n’arrivera-t-il pas avec les gardes et les privilèges du dictateur ?

L’isolement des États-Unis leur a permis de naître et de grandir : il est douteux qu’ils eussent pu vivre et croître en Europe. La Suisse fédérale subsiste au milieu de nous : pourquoi ? parce qu’elle est petite, pauvre, cantonnée au giron des montagnes, pépinière de soldats pour les rois, but de promenade pour les voyageurs.

Séparée de l’ancien monde, la population des États-Unis habite encore la solitude ; ses déserts ont été sa liberté : mais déjà les conditions de son existence s’altèrent.

L’existence des démocraties du Mexique, de la Colombie, du Pérou, du Chili, de Buenos-Ayres, toutes troublées qu’elles sont, est un danger. Lorsque les États-Unis n’avaient auprès d’eux que les colonies d’un royaume transatlantique, aucune guerre sérieuse n’était probable, maintenant des rivalités ne sont-elles pas à craindre ? que de part et d’autre on coure aux armes, que l’esprit militaire s’empare des enfants de Washington, un grand capitaine pourra surgir au trône : la gloire aime les couronnes.

J’ai dit que les États du nord, du midi et de l’ouest étaient divisés d’intérêts ; chacun le sait : ces États rompant l’union, les réduira-t-on par les armes ? Alors, quel ferment d’inimitiés répandu dans le corps social ! Les États dissidents maintiendront-ils leur indépendance ? Alors quelles discordes n’éclateront pas parmi