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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

IV

le comte rené de chateaubriand, armateur[1]


Le père de Chateaubriand — comme on l’a vu dans le texte des Mémoires — ne pouvait compter que sur un chétif avoir. Tout au plus devait-il lui échoir, à la mort de sa mère, une rente de quelques centaines de livres. Au retour de Dantzick, il passa aux îles d’Amérique avec son frère, M. de Chateaubriand du Plessis, afin d’y chercher fortune. Il en revint avec un pécule modeste encore, mais qu’il saura faire fructifier.

Marié en 1753 et retenu au port par ses devoirs de chef de famille, puisqu’il ne peut plus être marin, il sera armateur. Aussi bien, le commerce de mer ne déroge pas, surtout en Bretagne, surtout à Saint-Malo. En 1757, le navire la Villegenie, armé par MM. Petel et Leyritz, était en partance pour Saint-Domingue. René de Chateaubriand y prit un grand nombre d’actions. Le fort intérêt qu’elles représentaient lui permit d’obtenir pour son frère, M. du Plessis, le commandement du navire. On était alors au début de la guerre de Sept-Ans. Au péril de mer se venait donc ajouter le péril de guerre ; mais, en cas d’heureuse issue du voyage, les bénéfices étaient considérables. Malgré les nombreux vaisseaux de guerre anglais qui couvraient les mers, la Villegenie effectua avec succès sa double traversée. Son retour en France avait lieu au lendemain de l’expédition du duc de Marlborough qui, au mois de juin 1758, avait incendié dans le port même de Saint-Malo plus de soixante navires de commerce, parmi les-

  1. Ci-dessus, p. 17.