Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Lamoignon, son frère[1] : le président Guillaume n’était pas emménagé de la sorte à Basville, entre Boileau, madame de Sévigné et Bourdaloue.

Madame Lindsay, Irlandaise d’origine, d’un esprit sec, d’une humeur un peu cassante, élégante de taille, agréable de figure, avait de la noblesse d’âme et de l’élévation de caractère : les émigrés de mérite passaient la soirée au foyer de la dernière des Ninon. La vieille monarchie périssait avec tous ses abus et toutes ses grâces. On la déterrera un jour, comme ces squelettes de reines, ornés de colliers, de bracelets, de pendants d’oreilles, qu’on exhume en Étrurie. Je rencontrai à ce rendez-vous M. Malouet[2] et madame du

  1. René-Chrétien-Auguste, marquis de Lamoignon, frère aîné de Christian, né à Paris, le 19 juin 1765. Il fut nommé conseiller au Parlement de Paris en 1787, émigra en Angleterre et, rentré en France sous le Consulat, se fixa dans ses terres de Saint-Ciers-la-Lande (Gironde). Sous la Restauration, les plus belles promesses ne purent le décider à venir à Paris. Louis-Philippe le nomma pair de France, le 11 octobre 1832, mais il continua de résider presque toujours à Saint-Ciers-la-Lande, où il mourut sans postérité, le 7 avril 1845.
  2. Pierre-Victor, baron Malouet, né à Riom, le 11 février 1740. Il était intendant de la marine, à Toulon, lorsque le tiers état de la sénéchaussée de Riom l’élut, sans scrutin et par acclamation, député aux États-généraux. Il s’y fit remarquer par son talent et son courage, non moins que par la fermeté de ses convictions royalistes. Après la journée du 10 août, il passa en Angleterre. Il rentra en France à l’époque du Consulat, fut nommé commissaire général de la marine à Anvers, en 1803, conseiller d’État et baron de l’Empire, en 1810. En 1812, il fut, par ordre de l’Empereur, exilé en Lorraine comme suspect de royalisme. Malgré l’état précaire de sa santé, il accepta du gouvernement provisoire, en 1814, les fonctions de commissaire au département de la Marine, dont Louis XVIII, à sa rentrée, lui remit le portefeuille ministériel. Mais il ne put résister au travail et aux préoccupations qu’imposait cette charge, et il mourut à la tâche, le 7 septembre 1814. Il n’avait aucune