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l’honneur des lettres anglaises ; mais il faut être né Anglais pour apprécier tout le mérite d’un genre intime de composition qui se fait particulièrement sentir aux hommes du sol.

Nul, dans une littérature vivante, n’est juge compétent que des ouvrages écrits dans sa propre langue. En vain vous croyez posséder à fond un idiome étranger, le lait de la nourrice vous manque, ainsi que les premières paroles qu’elle vous apprit à son sein et dans vos langes ; certains accents ne sont que de la patrie. Les Anglais et les Allemands ont de nos gens de lettres les notions les plus baroques : ils adorent ce que nous méprisons, ils méprisent ce que nous adorons ; ils n’entendent ni Racine, ni La Fontaine, ni même complètement Molière. C’est à rire de savoir quels sont nos grands écrivains à Londres, à Vienne, à Berlin, à Pétersbourg, à Munich, à Leipzig, à Goettingue, à Cologne, de savoir ce qu’on y lit avec fureur et ce qu’on n’y lit pas.

Quand le mérite d’un auteur consiste spécialement dans la diction, un étranger ne comprendra jamais bien ce mérite. Plus le talent est intime, individuel, national, plus ses mystères échappent à l’esprit qui n’est pas, pour ainsi dire, compatriote de ce talent. Nous admirons sur parole les Grecs et les Romains ;

    Canning et lord Holland, membre du parlement et, au besoin, membre d’un cabinet tory, il se livra néanmoins avec ardeur à ses goûts littéraires, multipliant les livres d’histoire et les écrits de circonstance, critique infatigable et poète à ses heures pour chanter les victoires anglaises, Trafalgar ou Talavera. En 1809, pour répondre à la Revue d’Édimbourg, il avait, d’accord avec Walter Scott, Gifford, George Ellis, Frère et Southey, fondé la Quaterly Review, organe du parti tory. Il en fut, pendant de longues années, le principal rédacteur.