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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

des bois et qu’il prenait lorsqu’il allait voir sa voisine, cachée au château de Passy pendant la Terreur.

Depuis la mort de mon cher hôte, j’ai traversé quatre ou cinq fois le Senonais. Je voyais du grand chemin les coteaux : Joubert ne s’y promenait plus ; je reconnaissais les arbres, les champs, les vignes, les petits tas de pierres où nous avions accoutumé de nous reposer. En passant dans Villeneuve, je jetais un regard sur la rue déserte et sur la maison fermée de mon ami. La dernière fois que cela m’arriva, j’allais en ambassade à Rome : ah ! s’il eût été à ses foyers, je l’aurais emmené à la tombe de madame de Beaumont ! Il a plu à Dieu d’ouvrir à M. Joubert une Rome céleste, mieux appropriée encore à son âme platonique, devenue chrétienne. Je ne le rencontrerai plus ici-bas : je m’en irai vers lui ; il ne reviendra pas vers moi. (Psalm.)


Le succès d’Atala m’ayant déterminé à recommencer le Génie du Christianisme, dont il y avait déjà deux volumes imprimés, madame de Beaumont me proposa de me donner une chambre à la campagne, dans une maison qu’elle venait de louer à Savigny[1]. Je passai six mois dans sa retraite, avec M. Joubert et nos autres amis.

La maison était située à l’entrée du village, du côté de Paris, près d’un vieux grand chemin qu’on appelle

  1. Savigny-sur-Orge, canton de Longjumeau, arrondissement de Corbeil (Seine-et-Oise). Chateaubriand et Mme  de Beaumont s’installèrent à Savigny le 22 mai 1801. — Sous ce titre : La Maison de Pauline, M. Adolphe Brisson a publié, dans le Gaulois du 21 septembre 1892, le récit de son pèlerinage à la maison de Mme  de Beaumont.