Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Christianisme dans mes Études historiques, un de mes écrits dont on a le moins parlé et qu’on a le plus volé.

Le succès d’Atala m’avait enchanté, parce que mon âme était encore neuve ; celui du Génie du Christianisme me fut pénible : je fus obligé de sacrifier mon temps à des correspondances au moins inutiles et à des politesses étrangères. Une admiration prétendue ne me dédommageait point des dégoûts qui attendent un homme dont la foule a retenu le nom. Quel bien peut remplacer la paix que vous avez perdue en introduisant le public dans votre intimité ? Joignez à cela les inquiétudes dont les Muses se plaisent à affliger ceux qui s’attachent à leur culte, les embarras d’un caractère facile, l’inaptitude à la fortune, la perte des loisirs, une humeur inégale, des affections plus vives, des tristesses sans raison, des joies sans cause : qui voudrait, s’il en était le maître, acheter à de pareilles conditions les avantages incertains d’une réputation qu’on n’est pas sûr d’obtenir, qui vous sera contestée pendant votre vie, que la postérité ne confirmera pas, et à laquelle votre mort vous rendra à jamais étranger ?

La controverse littéraire sur les nouveautés du style, qu’avait excitée Atala, se renouvela à la publication du Génie du Christianisme.

Un trait caractéristique de l’école impériale, et même de l’école républicaine, est à observer : tandis que la société avançait en mal ou en bien, la littérature demeurait stationnaire ; étrangère au changement des idées, elle n’appartenait pas à son temps. Dans la comédie, les seigneurs de village, les Colin,