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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

roi à qui nous devons la Diane, sœur de l’Apollon du Belvédère, et la Sainte Famille de Raphaël ; le chantre de Laure, l’admirateur de Pétrarque, a reçu des beaux-arts reconnaissants une vie qui ne périra point.

J’allai à Vaucluse cueillir, au bord de la fontaine, des bruyères parfumées et la première olive que portait un jeune olivier :

 Chiara fontana, in quel medesmo bosco
Sorgea d’un sasso ; ed acque fresche e dolci
Spargea soavemente mormorando :
Al bel seggio riposto, ombroso e fosco
Ne pastori appressavan, ne bifolci ;
Ma nimfe e muse a quel tenor cantando.

« Cette claire fontaine, dans ce même bocage, sort d’un rocher ; elle répand, fraîches et douces, ses ondes qui suavement murmurent. À ce beau lit de repos, ni les pasteurs, ni les troupeaux ne s’empressent ; mais la nymphe et la muse y vont chantant. »

Pétrarque a raconté comment il rencontra cette vallée : « Je m’enquérais, dit-il, d’un lieu caché où je pusse me retirer comme dans un port, quand je trouvai une petite vallée fermée, Vaucluse, bien solitaire, d’où naît la source de la Sorgue, reine de toutes les sources : je m’y établis. C’est là que j’ai composé mes poésies en langue vulgaire : vers où j’ai peint les chagrins de ma jeunesse. »

C’est aussi de Vaucluse qu’il entendait, comme on l’entendait encore lorsque j’y passai, le bruit des armes retentissant en Italie ; il s’écriait :