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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ouvert sur sa table[1]. Le cardinal Consalvi, souple et ferme, d’une résistance douce et polie, était l’ancienne politique romaine vivante, moins la foi du temps et plus la tolérance du siècle[2].

  1. Dès le mois de septembre 1802, Chateaubriand avait fait hommage à Pie VII de ses volumes du Génie du Christianisme. La lettre suivante accompagnait l’envoi de l’ouvrage :
    TRÈS SAINT-PÈRE,

    « Ignorant si ce faible ouvrage obtiendrait quelque succès, je n’ai pas osé d’abord le présenter à Votre Sainteté. Maintenant que le suffrage du public semble le rendre digne de vous être offert, je prends la liberté de le déposer à vos pieds sacrés.

    « Si Votre Sainteté daigne jeter les yeux sur le quatrième volume, elle verra les efforts que j’ai faits pour venger les autels et leurs ministres des injures d’une fausse philosophie. Elle y verra mon admiration pour le Saint Siège et pour le génie des Pontifes qui l’ont occupé. Elle me pardonnera peut-être d’avoir annoncé leur glorieux successeur qui vient de fermer les plaies de l’Église. Heureux si Votre Sainteté agrée l’hommage que j’ai rendu à ses vertus, et si mon zèle pour la religion peut me mériter sa bénédiction paternelle.

    « Je suis, avec le plus profond respect, de Votre Sainteté, le très humble et très obéissant serviteur.

    « de Chateaubriand.
    « Paris, ce 28 septembre 1802. »

    La présentation de Chateaubriand à Pie VII eut lieu le 2 juillet 1803. Il écrivait, le lendemain, à M. Joubert : « Sa Sainteté m’a reçu hier ; elle m’a fait asseoir auprès d’elle de la manière la plus affectueuse. Elle m’a montré obligeamment qu’elle lisait le Génie du Christianisme, dont elle avait un volume ouvert sur sa table. On ne peut voir un meilleur homme, un plus digne prélat, et un prince plus simple : ne me prenez pas pour madame de Sévigné. »

  2. Hercule Consalvi (1757-1824). Pie VII l’avait nommé cardinal et secrétaire d’État au lendemain de son entrée dans Rome, en 1800. Il vint en France en 1801 pour la conclusion du Concordat. Après l’arrestation du Souverain Pontife, en 1809, il reçut l’ordre de se rendre en France ; en 1810, à la suite de son refus d’assister au mariage religieux de Napoléon, il fut interné