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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

pourraient vous donner. Cette aimable femme vous aimait : elle vous conseillera bien. Sa mémoire et votre cœur vous guideront sûrement : je ne suis plus en peine si vous les écoutez tous deux. Adieu, mon cher ami, je vous embrasse tendrement. »

M. Necker m’écrivit la seule lettre que j’aie jamais reçue de lui. J’avais été témoin de la joie de la cour lors du renvoi de ce ministre, dont les honnêtes opinions contribuèrent au renversement de la monarchie. Il avait été collègue de M. de Montmorin. M. Necker allait bientôt mourir au lieu d’où sa lettre était datée : n’ayant pas alors auprès de lui madame de Staël, il trouva quelques larmes pour l’amie de sa fille :

LETTRE DE M. NECKER.

« Ma fille, monsieur, en se mettant en route pour l’Allemagne, m’a prié d’ouvrir les paquets d’un grand volume qui pourraient lui être adressés, afin de juger s’ils valaient la peine de les lui faire parvenir par la poste : c’est le motif qui m’instruit, avant elle, de la mort de madame de Beaumont. Je lui ai envoyé, monsieur, votre lettre à Francfort, d’où elle sera probablement transmise plus loin, et peut-être à Weimar ou à Berlin. Ne soyez donc pas surpris, monsieur, si vous ne recevez pas la réponse de madame de Staël aussitôt que vous avez droit de l’attendre. Vous êtes bien sûr, monsieur, de la douleur qu’éprouvera madame de Staël en apprenant la perte d’une amie dont je lui ai toujours entendu parler avec un profond sentiment. Je m’associe à sa peine,