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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

gieux. Nous vous prions de vouloir bien nous prévenir de votre arrivée dans cette ville.

« Agréez, monsieur, les assurances de notre respectueuse considération.

« Le président du conseil de la ville de Sion,
« De Riedmatten.

« Par le conseil de la ville :
« Le secrétaire du conseil,
« De Torrenté. »

Deux jours avant le 21 mars[1], je m’habillai pour aller prendre congé de Bonaparte aux Tuileries ; je ne l’avais pas revu depuis le moment où il m’avait parlé chez Lucien. La galerie où il recevait était pleine ; il était accompagné de Murat et d’un premier aide de camp ; il passait presque sans s’arrêter. À mesure qu’il approcha de moi, je fus frappé de l’altération de son visage : ses joues étaient dévalées et livides, ses yeux âpres, son teint pâli et brouillé, son air sombre et terrible. L’attrait qui m’avait précédemment poussé vers lui cessa ; au lieu de rester sur son passage, je fis un mouvement afin de l’éviter. Il me jeta un regard comme pour chercher à me reconnaître, dirigea quelques pas vers moi, puis se détourna et s’éloigna. Lui étais-je apparu comme un avertissement ? Son aide de

  1. Et non le 20 mars, comme le portent toutes les éditions, conformes d’ailleurs en cela au manuscrit des Mémoires. Il y a eu là évidemment une erreur de plume. L’exécution du duc d’Enghien eut lieu, non le 20, mais le 21 mars 1804.