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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

d’Artois et le duc de Berry à Londres, avec les princes de Condé et de Bourbon. Le plus jeune des Condé était à Ettenheim, dans le duché de Bade. Il se trouva que MM. Taylor et Drake, agents anglais, avaient noué des intrigues de ce côté. Le duc de Bourbon, le 16 juin 1803, mit en garde son petit-fils[1] contre une arrestation possible, par un billet à lui adressé de Londres et que l’on conserve[2]. Bonaparte appela au-

  1. Il y a ici une erreur de plume. Le duc de Bourbon était le père — et non l’aïeul — du duc d’Enghien. Il faut donc lire : « Le prince de Condé mit en garde son petit-fils. » — Chose singulière ! les plus graves historiens se sont aussi trompés sur la filiation du duc d’Enghien, et peut-être chez eux n’était-ce pas simplement une erreur de plume, comme chez Chateaubriand. Au tome IV, p. 589, de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, rappelant la lettre du 16 juin 1803, dont parle ici Chateaubriand, M. Thiers dit que le duc d’Enghien était le fils du prince de Condé. M. Lanfrey, dans son Histoire de Napoléon (T. III, p. 129), dit à son tour : « C’était le duc d’Enghien, fils du prince de Condé, jeune homme plein d’ardeur et de bravoure, toujours au premier rang dans les combats auxquels avait pris part l’armée de son père. »
  2. Ce billet du prince de Condé à son petit-fils existe en effet : « Mon cher enfant, écrivait le prince, on assure ici, depuis plus de six mois, que vous avez été faire un voyage à Paris ; d’autres disent que vous n’avez été qu’à Strasbourg… Il me semble qu’à présent vous pourriez nous confier le passé et, si la chose est vraie, ce que vous avez observé dans vos voyages… » — M. Thiers se prévaut de ces lignes pour donner comme à peu prouvés les voyages du duc d’Enghien à Strasbourg, et tout à l’heure, il ne manquera pas d’en tirer un argument en faveur de Bonaparte. Il se garde bien de faire connaître à ses lecteurs la réponse du duc d’Enghien, qu’il avait pourtant sous les yeux en même temps que le billet du prince de Condé, — réponse qui ne laisse rien subsister des insinuations de l’habile historien, j’allais dire de l’habile avocat. Voici le texte de cette réponse, datée d’Ettenheim, le 18 juillet 1803 :

    « Assurément, mon cher papa, il faut me connaître bien peu pour avoir pu dire ou chercher à faire croire que j’avais mis le pied sur le territoire républicain, autrement qu’avec le rang et