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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

étant interrogé, lui dit ne rien savoir lui-même, ajoutant ces paroles : « Que voulez-vous ? je ne suis plus rien ici. Tout se fait sans mes ordres et ma participation : c’est un autre qui commande ici. »

Il était dix heures du soir quand le général Hulin fut tiré de son incertitude par la communication des pièces. — L’audience fut ouverte à minuit, lorsque l’examen du prisonnier par le capitaine-rapporteur eut été fini. « La lecture des pièces, dit le président de la commission, donna lieu à un incident. Nous remarquâmes qu’à la fin de l’interrogatoire subi devant le capitaine-rapporteur, le prince, avant de signer,

    Mémoires de M. de Bourrienne, tome IV, pages 190 et suivantes. En 1800, le citoyen Jacques Harel, âgé de 45 ans, capitaine à la suite de la 45e demi-brigade, aigri par la destitution qui l’avait frappé, à bout de ressources, lia partie avec Céracchi, Aréna, Topino-Lebrun, Demerville et autres mécontents, et forma avec eux le projet de tuer le Premier Consul. Effrayé bientôt d’être entré dans le complot, il se résolut à le dénoncer, et ce fut Bourrienne, alors secrétaire de Bonaparte, qui reçut ses confidences. Il ne convenait pas aux desseins du Premier Consul que cette affaire fût arrêtée dans le début ; il lui importait, au contraire, de pouvoir la présenter comme très grave. Ordre fut donné au dénonciateur de continuer ses rapports avec les conjurés. Lorsqu’il vint annoncer que ceux-ci n’avaient pas d’argent pour acheter des armes, on lui remit de l’argent. Lorsqu’il vint dire, le lendemain, que les armuriers, ne les connaissant pas, refusaient de leur remettre les armes demandées, la police leur délivra, par l’intermédiaire d’Harel, l’autorisation nécessaire. Harel comparut au procès comme témoin, et sur sa déposition Demerville, Aréna, Céracchi et Topino-Lebrun furent condamnés à mort. Pour lui, il reçut sa récompense : il fut réintégré dans les cadres de l’armée et nommé commandant du château de Vincennes. — Voir, outre les Mémoires de Bourrienne, le Procès instruit par le Tribunal criminel du département de la Seine contre Demerville, Céracchi, Aréna et autres, prévenus de conspiration contre la personne du premier Consul Bonaparte ; un volume in-8o. Pluviôse an IX.