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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nous laissait l’espoir que l’avertissement n’en serait pas moins donné. Et comment nous serait-il venu à l’idée que qui que ce fût auprès de nous avait l’ordre de négliger les formalités voulues par les lois ? »

Tout le secret de cette funèbre catastrophe est dans cette déposition. Le vétéran qui, toujours près de mourir sur le champ de bataille, avait appris de la mort le langage de la vérité, conclut par ces dernières paroles :

« Je m’entretenais de ce qui venait de se passer sous le vestibule contigu à la salle des délibérations. Des conversations particulières s’étaient engagées ; j’attendais ma voiture, qui n’ayant pu entrer dans la cour intérieure, non plus que celles des autres membres, retarda mon départ et le leur ; nous étions nous-mêmes enfermés, sans que personne pût communiquer au dehors, lorsqu’une explosion se fit entendre : bruit terrible qui retentit au fond de nos âmes et les glaça de terreur et d’effroi.

« Oui, je le jure au nom de tous mes collègues, cette exécution ne fut point autorisée par nous : notre jugement portait qu’il en serait envoyé une expédition au ministre de la guerre, au grand juge ministre de la justice, et au général en chef gouverneur de Paris.

« L’ordre d’exécution ne pouvait être régulièrement donné que par ce dernier ; les copies n’étaient point encore expédiées ; elles ne pouvaient pas être terminées avant qu’une partie de la journée ne fût écoulée. Rentré dans Paris, j’aurais été trouver le gouverneur, le premier consul, que sais-je ! Et tout