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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

à coup un bruit affreux vient nous révéler que le prince n’existe plus !

« Nous ignorions si celui qui a si cruellement précipité cette exécution funeste avait des ordres : s’il n’en avait point, lui seul est responsable ; s’il en avait, la commission, étrangère à ces ordres, la commission, tenue en chartre privée, la commission, dont le dernier vœu était pour le salut du prince, n’a pu ni en prévenir ni en empêcher l’effet. On ne peut l’en accuser.

« Vingt ans écoulés n’ont point adouci l’amertume de mes regrets. Que l’on m’accuse d’ignorance, d’erreur, j’y consens ; qu’on me reproche une obéissance à laquelle aujourd’hui je saurais bien me soustraire dans de pareilles circonstances ; mon attachement à un homme que je croyais destiné à faire le bonheur de mon pays ; ma fidélité à un gouvernement que je croyais légitime alors et qui était en possession de mes serments ; mais qu’on me tienne compte, ainsi qu’à mes collègues, des circonstances fatales au milieu desquelles nous avons été appelés à prononcer. »

La défense est faible, mais vous vous repentez, général : paix vous soit ! Si votre arrêt est devenu la feuille de route du dernier Condé, vous irez rejoindre, à la garde avancée des morts, le dernier conscrit de notre ancienne patrie. Le jeune soldat se fera un plaisir de partager son lit avec le grenadier de la vieille garde ; la France de Fribourg et la France de Marengo dormiront ensemble.