Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/479

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
449
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Des hommes attachés à Napoléon disent qu’il ne sut la mort du duc d’Enghien qu’après l’exécution du prince : ce récit paraîtrait recevoir quelque valeur de l’anecdote rapportée par le duc de Rovigo, concernant Réal allant à Vincennes, si cette anecdote était vraie[1]. La mort une fois arrivée par les intrigues du parti révolutionnaire, Bonaparte reconnut le fait accompli, pour ne pas irriter des hommes qu’il croyait puissants : cette ingénieuse explication n’est pas recevable.


En résumant maintenant ces faits, voici ce qu’ils m’ont prouvé :

Bonaparte a voulu la mort du duc d’Enghien ; personne ne lui avait fait une condition de cette mort pour monter au trône. Cette condition supposée est une de ces subtilités des politiques qui prétendent trouver des causes occultes à tout. — Cependant il est probable que certains hommes compromis ne voyaient pas sans plaisir le premier consul se séparer à jamais des Bourbons. Le jugement de Vincennes fut une affaire du tempérament violent de Bonaparte, un accès de froide colère alimenté par les rapports de son ministre.

M. de Caulaincourt n’est coupable que d’avoir exécuté l’ordre de l’arrestation.

    Mme  Chéron, femme du préfet de ce nom, très ancienne et fidèle amie, qui avait déjà gardé ce dangereux manuscrit, et elle courut la chercher. Malheureusement Mme  Chéron était absente, et ne devait de longtemps rentrer. Que faire ? Ma grand’mère rentra tout émue et, sans réflexion ni délai, jeta dans le feu tous ses cahiers. » Préface des Mémoires, p. 75.

  1. Voir l’Appendice no XI : Le conseiller Réal et l’anecdote du duc de Rovigo.