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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de ses hennissements le cheval de Rocroi ; près d’un manège une haute porte non achevée : voilà ce qui reste des souvenirs d’une race héroïque ; un testament noué par un cordon a changé les possesseurs de l’héritage.

À diverses reprises, la forêt entière est tombée sous la cognée. Des personnages des temps écoulés ont parcouru ces chasses aujourd’hui muettes, jadis retentissantes. Quel âge et quelles passions avaient-ils, lorsqu’ils s’arrêtaient au pied de ces chênes ? Ô mes inutiles Mémoires, je ne pourrais maintenant vous dire :

Qu’à Chantilly Condé vous lise quelquefois ;
Qu’Enghien en soit touché[1] !


Hommes obscurs, que sommes-nous auprès de ces hommes fameux ? Nous disparaîtrons sans retour : vous renaîtrez, œillet de poète, qui reposez sur ma table auprès de ce papier, et dont j’ai cueilli la petite fleur attardée parmi les bruyères ; mais nous, nous ne revivrons pas avec la solitaire parfumée qui m’a distrait.




  1. Boileau, Épître VII, À M. Racine.