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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

En rentrant au camp, un officier du génie passa près de moi, menant son cheval par la bride : un boulet atteint la bête à l’endroit le plus étroit de l’encolure et la coupe net ; la tête et le cou restent pendus à la main du cavalier qu’ils entraînent à terre de leur poids. J’avais vu une bombe tomber au milieu d’un cercle d’officiers de marine qui mangeaient assis en rond : la gamelle disparut ; les officiers culbutés et ensablés criaient comme le vieux capitaine de vaisseau : « Feu de tribord, feu de bâbord, feu partout ! feu dans ma perruque ! »

Ces coups singuliers semblent appartenir à Thionville : en 1558, François de Guise mit le siège devant cette place. Le maréchal Strozzi y fut tué parlant dans la tranchée audit sieur de Guise qui lui tenoit lors la main sur l’épaule.


Il s’était formé derrière notre camp une espèce de marché. Les paysans avaient amené des quartauts de vin blanc de Moselle, qui demeurèrent sur les voitures : les chevaux dételés mangeaient attachés à un bout des charrettes, tandis qu’on buvait à l’autre bout. Des fouées brillaient çà et là. On faisait frire des saucisses dans des poêlons, bouillir des gaudes dans des bassines, sauter des crêpes sur des plaques de fonte, enfler des pancakes sur des paniers. On vendait des galettes anisées, des pains de seigle d’un sou, des gâ-

    à un apologue qui se trouve en tête des Poésies de Métel et qui est intitulé : D’un loup qui se fit hermite. C’est la meilleure pièce de Métel, — à moins qu’il ne faille l’attribuer, comme le veulent plusieurs érudits, à Marbode, évêque de Rennes, son contemporain.