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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

vraient notre gauche : mon frère se trouvait dans cette cavalerie avec le baron de Montboissier qui avait épousé une fille de M. de Malherbes, sœur de madame de Rosanbo, et par conséquent tante de ma belle-sœur. Nous escortions trois compagnies d’artillerie autrichienne avec des pièces de gros calibre et une batterie de trois mortiers.

Nous partîmes à six heures du soir ; à dix, nous passâmes la Moselle, au-dessus de Thionville, sur des pontons de cuivre :

amœna fluenta
Subterlabentis tacito rumore Mosellæ
(Ausone.)

Au lever du jour, nous étions en bataille sur la rive gauche, la grosse cavalerie s’échelonnant aux ailes, la légère en tête. À notre second mouvement, nous nous formâmes en colonne et nous commençâmes de défiler.

Vers neuf heures, nous entendîmes à notre gauche le feu d’une décharge. Un officier de carabiniers, accourant à bride abattue, vint nous apprendre qu’un détachement de l’armée de Kellermann[1] était près de

  1. François-Victor Kellermann (1735-1820), d’une famille noble d’origine saxonne, établie à Strasbourg au XVIe siècle. Il était maréchal de camp en 1788. Appelé, en 1792, au commandement de l’armée de la Moselle, il battit les Prussiens à Valmy, de concert avec Dumouriez. Il n’en fut pas moins destitué le 18 octobre 1793, et envoyé à l’Abbaye, où il resta treize mois enfermé. Mis en liberté après le 9 thermidor, et investi du commandement de l’armée des Alpes, il arrêta en Provence, avec 47 000 hommes, la marche des Autrichiens, forts de 150 000 hommes. Le 20 mai 1804, il fut créé maréchal d’Empire, et, le 3 juin 1808, duc de Valmy. Louis XVIII le fit pair de France, le 4 juin 1814. Il se tint à l’écart pendant les Cent-Jours, quoique com-