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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

gion contre la légitimité lors de la guerre d’Espagne en 1823, défendit Bilbao et renvoya à M. de Villèle son beau-frère, M. Desbassyns, contraint de relâcher dans le port. Le récit de Robert Wilson a donc, sous divers points de vue, un grand poids. La plupart des relations sont uniformes sur le fait de l’empoisonnement. M. de Las Cases admet que le bruit de l’empoisonnement était cru dans l’armée. Bonaparte, devenu plus sincère dans sa captivité, a dit à M. Warnen et au docteur O’Meara que, dans le cas où se trouvaient les pestiférés, il aurait cherché pour lui-même dans l’opium l’oubli de ses maux, et qu’il aurait fait administrer le poison à son propre fils. Walter Scott rapporte tout ce qui s’est débité à ce sujet ; mais il rejette la version du grand nombre des malades condamnés, soutenant qu’un empoisonnement ne pourrait s’exécuter avec succès sur une multitude ; il ajoute que sir Sidney rencontra dans l’hôpital de Jaffa les sept Français mentionnés par Bonaparte. Walter Scott est de la plus grande impartialité ; il défend Napoléon comme il aurait défendu Alexandre contre les reproches dont on peut charger sa mémoire.

C’est pour ainsi dire la première fois que je parle de Walter Scott comme historien de Napoléon, et je le citerai encore : c’est donc ici que je dois dire qu’on s’est trompé prodigieusement en accusant l’illustre Écossais de prévention contre un grand homme[1]. La

  1. Chateaubriand est le premier en France qui se soit refusé à voir dans l’ouvrage de Walter Scott un pamphlet, — et il a eu pleinement raison. Combien d’historiens français, depuis M. Lanfrey jusqu’à M. Michelet et à M. Taine, ont jugé Napoléon avec plus de rigueur et, il faut bien le dire, avec moins de justice, que l’historien anglais !