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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

on lui répondait par des hymnes sacrés et des cris de combat. »

Ces Arabes chantaient et dansaient comme les soldats et les moines espagnols dans Saragosse embrasée ; les Russes brûlèrent Moscou : la sorte de sublime démence qui agitait Bonaparte, il la communiquait à ses victimes.


Napoléon rentré au Caire écrivait au général Dugua : « Vous ferez, citoyen général, trancher la tête à Abdalla-Aga, ancien gouverneur de Jaffa. D’après ce que m’ont dit les habitants de Syrie, c’est un monstre dont il faut délivrer la terre… Vous ferez fusiller les nommés Hassan, Joussef, Ibrahim, Saleh, Mahamet, Bekir, Hadj-Saleh, Mustapha, Mahamed, tous mameloucks. » Il renouvelle souvent ces ordres contre des Égyptiens qui ont mal parlé des Français : tel était le cas que Bonaparte faisait des lois ; le droit même de la guerre permettait-il de sacrifier tant de vies sur ce simple ordre d’un chef : vous ferez fusiller ? Au sultan du Darfour il écrit : « Je désire que vous me fassiez passer deux mille esclaves mâles, ayant plus de seize ans. » Il aimait les esclaves.

Une flotte ottomane de cent voiles mouille à Aboukir et débarque une armée : Murat, appuyé du général Lannes, la jette dans la mer ; Bonaparte instruit le Directoire de ses succès : « Le rivage où l’année dernière les courants ont porté les cadavres anglais et français est aujourd’hui couvert de ceux de nos ennemis[1]. » On se fatigue à marcher dans ces mon-

  1. La victoire d’Aboukir eut lieu le 25 juillet 1799.