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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

dans le seul palais que j’habite depuis deux mois. — Vous savez si bien tirer parti de cette habitation, répondit François, qu’elle doit vous plaire. » De pareils souverains valaient-ils la peine d’être abattus ? Un armistice est accordé. Les Russes se retirent en trois colonnes à journée d’étape dans un ordre déterminé par Napoléon. Depuis la bataille d’Austerlitz, Bonaparte ne fait presque plus que des fautes.

Le traité de Presbourg est signé le 26 décembre 1805. Napoléon fabrique deux rois, l’électeur de Bavière et l’électeur de Wurtemberg. Les républiques que Bonaparte avait créées, il les dévorait pour les transformer en monarchies ; et, contradictoirement à ce système, le 27 décembre 1805, au château de Schœnbrünn, il déclare que la dynastie de Naples a cessé de régner ; mais c’était pour la remplacer par la sienne : à sa voix, les rois entraient ou sautaient par les fenêtres. Les desseins de la Providence ne s’accomplissaient pas moins avec ceux de Napoléon : on voit marcher à la fois Dieu et l’homme. Bonaparte après sa victoire ordonne de bâtir le pont d’Austerlitz à Paris, et le ciel ordonne à Alexandre d’y passer.

La guerre commencée dans le Tyrol s’était poursuivie tandis qu’elle continuait en Moravie. Au milieu des prosternations, quand on trouve un homme debout, on respire : Hofer le Tyrolien ne capitula pas comme son maître ; mais la magnanimité ne touchait point Napoléon ; elle lui semblait stupidité ou folie. L’empereur d’Autriche abandonna Hofer. Lorsque je traversai le lac de Garde, qu’immortalisèrent Catulle et Virgile, on me montra l’endroit où fut fusillé le chasseur :