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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

logne, elle sera obligée de l’exterminer. » Prétendre ce royaume condamné à l’oppression par sa position géographique, c’est trop accorder aux collines et aux rivières : vingt peuples entourés de leur seul courage ont gardé leur indépendance, et l’Italie, remparée des Alpes, est tombée sous le joug de quiconque les a voulu franchir. Il serait plus juste de reconnaître une autre fatalité, savoir : que les peuples belliqueux, habitants des plaines, sont condamnés à la conquête : des plaines sont accourus les divers envahisseurs de l’Europe.

Loin de favoriser la Pologne, on voulut que ses soldats prissent la cocarde nationale ; pauvre qu’elle était, on la chargeait d’entretenir une armée française de quatre-vingt mille hommes ; le grand-duché de Varsovie était promis au roi de Saxe[1]. Si la Pologne

  1. Napoléon n’a jamais sérieusement songé, quelque favorables que fussent les circonstances et quelque avantage qu’il y dût trouver lui-même, à relever la nation polonaise, qui versait son sang pour lui sur tous les champs de bataille de l’Europe. Sur les vrais sentiments de Napoléon à l’égard de la Pologne et des Polonais, voir les lettres publiées par la Correspondance générale, et en particulier ces deux notes : Au citoyen Talleyrand, Paris, 17 octobre 1801 : « J’ai oublié, citoyen ministre, dans la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire au sujet de l’Almanach national, de vous parler de la Pologne dont le Premier Consul désire qu’il ne soit pas question dans l’état des puissances. Cela est d’une inutilité absolue ». — Notes sur un projet d’exposé de la situation de l’Europe (Finkenstein, 18 mai 1807) : « Ne pas parler de l’indépendance de la Pologne et supprimer tout ce qui tend à montrer l’Empereur comme le libérateur, attendu qu’il ne s’est pas expliqué à ce sujet. Napoléon ». — Enfin, dans des instructions au général Bertrand (Eylau, 13 février 1807) on lit : « Il (le général Bertrand) laissera entrevoir (à M. de Zartrow) que quant à la Pologne, depuis que l’Empereur la connaît, il n’y attache plus aucune importance ». — Napoléon Ier peint par lui-même, par Raudot, p. 192-201.