Comment fuir ? les flammes attroupées bloquent les portes de la citadelle. En cherchant de tous les côtés, on découvre une poterne qui donnait sur la Moskowa. Le vainqueur avec sa garde se dérobe par ce guichet de salut. Autour de lui dans la ville, des voûtes se fendent en mugissant, des clochers d’où découlaient des torrents de métal liquéfié se penchent, se détachent et tombent. Des charpentes, des poutres, des toits craquant, pétillant, croulant, s’abîment dans un Phlégéthon dont ils font rejaillir la lame ardente et des millions de paillettes d’or. Bonaparte ne s’échappe que sur les charbons refroidis d’un quartier déjà réduit en cendres ; il gagna Petrowski, villa du czar.
Le général Gourgaud, critiquant l’ouvrage de M. de Ségur, accuse l’officier d’ordonnance de l’empereur de s’être trompé[1] : en effet, il demeure prouvé, par le récit de M. de Baudus[2], aide de camp du maréchal Bessières, et qui servit lui-même de guide à Napoléon, que celui-ci ne s’évada pas par une poterne, mais qu’il sortit par la grande porte du Kremlin. Du rivage de Sainte-Hélène, Napoléon revoyait brûler la ville des Scythes : « Jamais, » dit-il, « en dépit de la poésie, toutes les fictions de l’incendie de Troie n’égaleront la réalité de celui de Moscou. »
Remémorant antérieurement cette catastrophe, Bonaparte écrit encore : « Mon mauvais génie m’apparut et m’annonça ma fin, que j’ai trouvée à l’île d’Elbe. » Kutuzof avait d’abord pris sa route à l’orient ; ensuite