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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

noblesse du sentiment l’emporte sur la hauteur de la pensée, le chantre de la Pitié est placé plus près du trône de Dieu que l’auteur de la Théorie des fonctions analytiques. Bonaparte avait quitté Paris le 15 avril.


Les levées de 1812, se succédant, s’étaient arrêtées en Saxe. Napoléon arrive. L’honneur du vieil ost expiré est remis à deux cent mille conscrits qui se battent comme les grenadiers de Marengo. Le 2 mai, la bataille de Lützen est gagnée : Bonaparte, dans ces nouveaux combats, n’emploie presque plus que l’artillerie, Entré dans Dresde, il dit aux habitants : « Je n’ignore pas à quel transport vous vous êtes livrés lorsque l’empereur Alexandre et le roi de Prusse sont entrés dans vos murs. Nous voyons encore sur le pavé le fumier des fleurs que vos jeunes filles ont semées sur les pas des monarques. » Napoléon se souvenait-il des jeunes filles de Verdun ? C’était du temps de ses belles années.

À Bautzen[1], autre triomphe, mais où s’ensevelissent le général du génie Kirgener, et Duroc, grand maréchal du palais. « Il y a une autre vie, dit l’empereur à Duroc : nous nous reverrons. » Duroc se souciait-il de le revoir[2] ?

    apothéose, et ses funérailles ont laissé le souvenir d’une grande solennité nationale. Elles égalèrent en éclat celles du maréchal Bessières, duc d’Istrie, mort, lui aussi, le 1er  mai, dans le combat qui précéda la bataille de Lutzen, et dont les obsèques avaient été, par ordre de l’empereur, entourées d’une pompe extraordinaire.

  1. 19 mai 1813.
  2. Le 22 mai 1813, à Wurtzen, Duroc escortait, avec les ducs de Vicence et de Trévise, l’Empereur, qui descendait au galop un petit chemin creux pour gagner une éminence d’où il put