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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

maintenant, le danger qu’il partage lui donne une sensibilité subite.

« La peur est un mauvais conseiller, là surtout où il n’y a pas de conscience ; il n’y a dans l’adversité, comme dans le bonheur, de mesure que dans la morale. Où la morale ne gouverne pas, le bonheur se perd par la démence, l’adversité par l’avilissement.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Quel effet doit produire sur une nation courageuse cette aveugle frayeur, cette pusillanimité soudaine, sans exemple encore au milieu de nos orages ? L’orgueil national trouvait (c’était un tort) un certain dédommagement à n’être opprimé que par un chef invincible. Aujourd’hui que reste-il ? Plus de prestige, plus de triomphes, un empire mutilé, l’exécration du monde, un trône dont les pompes sont ternies, dont les trophées sont abattus, et qui n’a pour tout entourage que les ombres errantes du duc d’Enghien, de Pichegru, de tant d’autres qui furent égorgés pour le fonder[1]. »

Ai-je été aussi loin que cela dans mon écrit De Bonaparte et des Bourbons ? Les proclamations des autorités en 1814, que je vais à l’instant reproduire, n’ont-elles pas redit, affirmé, confirmé ces opinions diverses ? Que les autorités qui s’expriment de la sorte aient été lâches et dégradées par leur première adulation, cela nuit aux rédacteurs de ces adresses, mais n’ôte rien à la force de leurs arguments.

Je pourrais multiplier les citations ; mais je n’en

  1. De l’esprit de conquête, édition d’Allemagne. Ch.