Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/494

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


« Messieurs,

« Dans ce moment de crise où l’ennemi public a pénétré dans une partie de mon royaume et qu’il menace la liberté de tout le reste, je viens au milieu de vous resserrer encore les liens qui, vous unissant avec moi, font la force de l’État ; je viens, en m’adressant à vous, exposer à toute la France mes sentiments et mes vœux.

« J’ai revu ma patrie ; je l’ai réconciliée avec les puissances étrangères, qui seront, n’en doutez pas, fidèles aux traités qui nous ont rendus à la paix ; j’ai travaillé au bonheur de mon peuple ; j’ai recueilli, je recueille tous les jours les marques les plus touchantes de son amour ; pourrais-je à soixante ans mieux terminer ma carrière qu’en mourant pour sa défense ?

« Je ne crains donc rien pour moi, mais je crains pour la France : celui qui vient allumer parmi nous les torches de la guerre civile y apporte aussi le fléau de la guerre étrangère ; il vient remettre notre patrie sous son joug de fer ; il vient enfin détruire cette charte constitutionnelle que je vous ai donnée, cette charte, mon plus beau titre aux yeux de la postérité, cette charte que tous les Français chérissent et que je jure ici de maintenir : rallions-nous donc autour d’elle. »


Le roi parlait encore quand un nuage répandit l’obscurité dans la salle ; les yeux se tournèrent vers la voûte pour chercher la cause de cette soudaine nuit. Lorsque le monarque législateur cessa de par-