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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

ler, les cris de Vive le roi ! recommencèrent au milieu des larmes. « L’assemblée, dit avec vérité le Moniteur, électrisée par les sublimes paroles du roi, était debout, les mains étendues vers le trône. On n’entendait que ces mots : Vive le roi ! mourir pour le roi ! le roi à la vie à la mort ! répétés avec un transport que tous les cœurs français partageront. »

En effet, le spectacle était pathétique : un vieux roi infirme, qui, pour prix du massacre de sa famille et vingt-trois années d’exil, avait apporté à la France la paix, la liberté, l’oubli de tous les outrages et de tous les malheurs ; ce patriarche des souverains venant déclarer aux députés de la nation qu’à son âge, après avoir revu sa patrie, il ne pouvait mieux terminer sa carrière qu’en mourant pour la défense de son peuple ! Les princes jurèrent fidélité à la charte ; ces serments tardifs furent clos par celui du prince de Condé et par l’adhésion du père du duc d’Enghien. Cette héroïque race prête à s’éteindre, cette race d’épée patricienne, cherchant derrière la liberté un bouclier contre une épée plébéienne, plus jeune, plus longue et plus cruelle, offrait, en raison d’une multitude de souvenirs, quelque chose d’extrêmement triste.

Le discours de Louis XVIII, connu au dehors, excita des transports inexprimables. Paris était tout royaliste et demeura tel pendant les Cent-Jours. Les femmes particulièrement étaient bourbonistes.

La jeunesse adore aujourd’hui le souvenir de Bonaparte, parce qu’elle est humiliée du rôle que le gouvernement actuel fait jouer à la France en