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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

barrière d’Enfer, j’ai dit quelle avait été jusqu’alors l’idée fixe de M. de Talleyrand sur la régence de Marie-Louise : il fut obligé de se ranger par l’événement à l’éventualité des Bourbons ; mais il était toujours mal à l’aise ; il lui semblait que, sous les hoirs de saint Louis, un évêque marié ne serait jamais sûr de sa place. L’idée de substituer la branche cadette à la branche aînée lui sourit donc, et d’autant plus qu’il avait eu d’anciennes liaisons avec le Palais-Royal.

Prenant parti, toutefois sans se découvrir en entier, il hasarda quelques mots du projet de Fouché à Alexandre. Le czar avait cessé de s’intéresser à Louis XVIII : celui-ci l’avait blessé à Paris par son affectation de supériorité de race ; il l’avait encore blessé en rejetant le mariage du duc de Berry avec une sœur de l’empereur ; on refusait la princesse pour trois raisons : elle était schismatique ; elle n’était pas d’une assez vieille souche ; elle était d’une famille de fous : raisons qu’on ne présentait pas debout, mais de biais, et qui, entrevues, offensaient triplement Alexandre. Pour dernier sujet de plainte contre le vieux souverain de l’exil, le czar accusait l’alliance projetée entre l’Angleterre, la France et l’Autriche. Du reste, il semblait que la succession fût ouverte ; tout le monde prétendait hériter des fils de Louis XIV : Benjamin Constant, au nom de madame Murat, plaidait les droits que la sœur de Napoléon croyait avoir au royaume de Naples ; Bernadotte jetait un regard lointain sur Versailles, apparemment parce que le roi de Suède venait de Pau.

La Besnardière[1], chef de division aux relations ex-

  1. Jean-Baptiste de Gouy, comte de la Besnardière, né à Pé-