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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

térieures, passa à M. de Caulaincourt ; il brocha un rapport, des griefs et contredits de la France à l’endroit de la légitimité. La ruade lâchée, M. de Talleyrand trouva le moyen de communiquer le rapport à Alexandre : mécontent et mobile, l’autocrate fut frappé du pamphlet de La Besnardière. Tout à coup, en plein congrès, à la stupéfaction de chacun, le czar demande si ce ne serait pas matière à délibération d’examiner en quoi M. le duc d’Orléans pourrait convenir comme roi à la France et à l’Europe. C’est peut-être une des choses les plus surprenantes de ces temps extraordinaires, et peut-être est-il plus extraordinaire encore qu’on en ait si peu parlé[1]. Lord Clancarthy fit échouer la proposition russe : sa seigneurie déclara n’avoir point de pouvoirs pour traiter une question aussi grave : « Quant à moi, dit-il, en opinant comme simple particulier, je pense que mettre M. le duc d’Orléans sur le trône de France serait remplacer une usurpation militaire par une usurpation de famille, plus dangereuse aux monarques que toutes les autres usurpations. » Les membres

    riers (Manche). Employé depuis 1795 au département des affaires étrangères, il y était devenu le collaborateur intime de Talleyrand, auquel plaisaient sa personne et son travail. Il accompagna le prince au Congrès de Vienne ; à son retour, fut titré comte par le Roi, le 22 août 1815, nommé conseiller d’État en service extraordinaire, et directeur des travaux politiques. En 1819, il se retira complètement en Touraine, venant seulement chaque année passer quelques semaines à Paris, où il mourut le 30 avril 1843.

  1. Une brochure qui vient de paraître, intitulée : Lettres de l’Étranger, et qui semble écrite par un diplomate habile et bien instruit, indique cette étrange négociation russe à Vienne (Paris, note de 1840). — Ch.