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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tenait plus à son grief et à sa vengeance future qu’à son cousin[1] ».

De telles et si odieuses accusations se doivent prouver. Où est la preuve de Sainte-Beuve ? Elle se trouve, selon lui, dans les Mémoires de Mme  de Rémusat : « Ils nous diront un jour cela », écrit-il avec assurance. De deux choses l’une : ou Sainte-Beuve n’avait pas lu les Mémoires de Mme  de Rémusat, et alors comment osait-il être aussi affirmatif ? ou il les avait lus, et alors il mentait. Ces Mémoires, en effet, ont été publiés en 1879, et nous savons maintenant qu’ils ne disent pas un mot du procès et de l’exécution d’Armand de Chateaubriand, — et cela pour une bonne raison : l’exécution est du mois de mars 1809, et les Mémoires de Mme  de Rémusat ne vont pas au delà du mois de mars 1808.

La vérité est, n’en déplaise à Sainte-Beuve, que Chateaubriand fit l’impossible pour sauver la vie de son compagnon d’enfance. Il eut tout d’abord recours à Fontanes, et celui ci s’adressa à l’Empereur ; ce fut en vain. Il eut recours aussi à Mme  de Rémusat, qui n’eut pas de peine à décider l’impératrice Joséphine et la reine Hortense à intervenir : elles ne purent rien obtenir. Chateaubriand alors se résolut à une démarche, qui dut singulièrement lui coûter. Il sollicita une audience de Fouché et implora de lui la grâce de son parent. De tout cela, Sainte-Beuve ne veut rien savoir. D’après lui, une seule démarche pouvait être utile : il fallait que Chateaubriand écrivît directement à l’Empereur, et il ne l’a pas voulu faire, il s’est refusé à cette démarche nécessaire. Or il se trouve que, contrairement à l’affirmation de Sainte-Beuve, Chateaubriand a fait cette démarche. Il a écrit directement à Napoléon, et Napoléon a jeté sa lettre au feu.

Mme  de Chateaubriand, dans ses Souvenirs, partout si

  1. Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, t. I, p. 103 et 385.