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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Il supprimait la section de Déclamation et fermait les portes de l’Institut aux comédiens et aux chanteurs.

Il supprimait les élections faites en commun par l’Institut tout entier et y substituait les nominations faites par chacune des classes où des places viendraient à vaquer.

Il supprimait l’interdiction faite aux membres de l’Institut d’être de plusieurs classes à la fois.

Il supprimait les quatre séances publiques annuelles dans lesquelles toutes les classes étaient réunies.

Ce décret réparateur avait été préparé par Chaptal, alors ministre de l’Intérieur, dont le rapport n’est rien moins qu’un très habile et très éloquent réquisitoire contre l’œuvre de la Convention. Sur deux points cependant, Bonaparte n’avait pas accepté les propositions de Chaptal. Il avait bien consenti à restaurer les anciennes académies, mais il n’avait pu se décider à leur rendre leur nom. Ce nom les faisait dater du règne des Bourbons, et c’est ce qu’il ne voulait pas. De plus, l’Académie française rétablie avec son nom, c’était la littérature replacée au premier rang et au-dessus des sciences, ce qui n’était pas conforme à ses idées. « C’était surtout, dit M. Paul Mesnard dans son excellente Histoire de l’Académie française, la littérature reconnue comme une puissance et cherchant peut-être à ressaisir cette direction de l’opinion publique qui, au XVIIIe siècle, l’avait rendue si redoutable »[1]. Bonaparte ne l’entendait pas ainsi. L’arrêté consulaire du 23 janvier maintint la division de l’Institut en classes. Les sciences physiques et mathématiques restèrent dans la première. La langue et la littérature française furent placées dans la seconde. Par le nombre de ses membres, par son mode d’élection, par plusieurs de ses prérogatives, cette seconde classe était bien la reproduction de l’ancienne Académie française, mais elle n’en portait pas le nom, et cela suffisait pour qu’elle ne recouvrât ni son autorité ni son pres-

  1. Paul Mesnard. p. 213.