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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

arrivions extrêmement laids, et nous nous asseyions en rond autour d’un salon éclairé d’une lampe qui filait. Dans ce brouillard législatif, nous parlions de la loi présentée, de la motion à faire, du camarade à porter au secrétariat, à la questure, aux diverses commissions. Nous ne ressemblions pas mal aux assemblées des premiers fidèles, peintes par les ennemis de la foi : nous débitions les plus mauvaises nouvelles ; nous disions que les affaires allaient changer de face, que Rome serait troublée par des divisions, que nos armées seraient défaites.

M. de Villèle écoutait, résumait et ne concluait point : c’était un grand aideur d’affaires ; marin circonspect, il ne mettait jamais en mer pendant la tempête, et, s’il entrait avec dextérité dans un port connu, il n’aurait jamais découvert le Nouveau Monde. Je remarquai souvent, à propos de nos discussions sur la vente des biens du clergé, que les plus chrétiens d’entre nous étaient les plus ardents à défendre les doctrines constitutionnelles. La religion est la source de la liberté : à Rome, le flamen dialis ne portait qu’un anneau creux au doigt, parce qu’un anneau plein avait quelque chose d’une chaîne ; dans son vêtement

    1816 et 1817, se réunissaient chez lui, rue Thérèse, no 8. Lorsque MM. de Villèle et Corbière arrivèrent au pouvoir, leurs amis continuèrent à fréquenter son salon et… sa salle à manger. Les auteurs de la Villéliade et de la Corbièréide, MM. Barthélémy et Méry, nous le montrent, au début du premier de ces poèmes, donnant à dîner aux députés du centre :

    Piet, traiteur du Sénat…


    et plus loin, au chant cinquième, tirant à la cible dans la Charte constitutionnelle :

    Muni de ses besicles,
    Piet de l’auguste cible emporte doux articles.