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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

j’aie reçue de cette main royale[1]. Hélas ! les autres nobles amies qui dans ces temps me soutenaient à Paris ont quitté cette terre ! Resterai-je donc avec une telle obstination ici-bas, qu’aucune des personnes auxquelles je suis attaché ne puisse me survivre[2] ? Heureux ceux sur qui l’âge fait l’effet du vin, et qui perdent la mémoire quand ils sont rassasiés de jours !

Les démissions de MM. de Villèle et de Corbière ne tardèrent pas à produire la dissolution du cabinet et à faire rentrer mes amis au conseil, comme je l’avais prévu : M. le vicomte de Montmorency fut nommé ministre des affaires étrangères, M. de Villèle ministre des finances, M. de Corbière ministre de l’intérieur[3]. J’avais eu trop de part aux derniers mouvements politiques et j’exerçais une trop grande influence sur l’opinion pour qu’on me pût laisser de côté. Il fut résolu que je remplacerais M. le duc Decazes à l’ambassade de Londres[4]. Louis XVIII consentait tou-

  1. La princesse Frédérique, reine de Hanovre, vient de succomber après une longue maladie : la mort se trouve toujours dans la Note au bout de mon texte ! (Note de Paris, juillet 1841.) Ch.
  2. Voir l’Appendice no IV : La mort de Fontanes.
  3. La nomination du cabinet de droite parut au Moniteur du 15 décembre 1821. Il était ainsi composé : MM. de Villèle aux Finances, Corbière à l’Intérieur, le duc de Bellune à la Guerre, de Clermont-Tonnerre à la Marine, Mathieu de Montmorency aux Affaires étrangères, de Peyronnet à la Justice, M. de Lauriston, seul ministre restant, à la maison du Roi.
  4. On lit, dans le Moniteur du 10 janvier 1822 : « Paris, 9 Janvier. Sur la démission donnée par M. le duc Decazes, ambassadeur de France en Angleterre, le Roi, par ordonnance du 9 janvier, a nommé M. le vicomte de Chateaubriand, pair de France, ministre d’État, à l’ambassade de Londres, et M. le comte de Serre à l’ambassade du royaume des Deux-Siciles. »