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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

jours à m’éloigner. Je l’allai remercier ; il me parla de son favori avec une constance d’attachement rare chez les rois ; il me pria d’effacer dans la tête de George IV les préventions que ce prince avait conçues contre M. Decazes, d’oublier moi-même les divisions qui avaient existé entre moi et l’ancien ministre de la police. Ce monarque, à qui tant de malheurs n’avaient pu arracher une larme, était ému de quelques souffrances dont pouvait avoir été affligé l’homme qu’il avait honoré de son amitié.

Ma nomination réveilla mes souvenirs : Charlotte revint à ma pensée ; ma jeunesse, mon émigration, m’apparurent avec leurs peines et leurs joies. La faiblesse humaine me faisait aussi un plaisir de reparaître connu et puissant là où j’avais été ignoré et faible. Madame de Chateaubriand, craignant la mer, n’osa passer le détroit, et je partis seul. Les secrétaires de l’ambassade m’avaient devancé.