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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Berthier, dernier prince de Neuchâtel[1], de par Bonaparte, était oublié malgré son petit Simplon du Val-de-Travers, et quoiqu’il se fût brisé le crâne de la même façon que Fauche-Borel.

La maladie du roi me rappela à Paris. Le roi mourut le 16 septembre[2], quatre mois à peine après ma

  1. Le maréchal Berthier avait été créé, le 31 mars 1806, prince souverain de Neuchâtel. En même temps, Napoléon lui faisait épouser la nièce du roi de Bavière ; en 1809, il le nommait vice-connétable et prince de Wagram. Berthier n’en fut pas moins des plus empressés à abandonner l’Empereur en 1814. À l’époque des Cent-Jours, il se retira à Bamberg, en Bavière, et, le 1er  juin 1815, dans un accès de folie, il se précipita des fenêtres du château sur le pavé et se tua.
  2. Le 13 septembre, le Roi avait reçu les derniers sacrements de la main du grand aumônier, en présence de la famille royale. « Il reçut, dit Lamartine, avec une piété recueillie et avec une liberté d’attention complète les saintes cérémonies, répondant quelquefois lui même par des versets de psaumes latins aux versets psalmodiés par les pontifes. Il remercia le clergé et prit un congé éternel des officiers de sa maison… Le mourant, après ces cérémonies et ces adieux, resta entouré seulement de son frère, de son neveu, de la duchesse d’Angoulême et de quelques serviteurs, dans des assoupissements interrompus de courts réveils, sans agonie, sans délire, sans douleur. À l’aube du jour, le 16 septembre, jour qu’il avait fixé lui-même à ses médecins pour le terme de ses forces, le premier médecin (le baron Portal) entr’ouvrit ses rideaux et prit son bras pour s’assurer si le pouls battait encore : le bras était chaud, mais le pouls ne battait plus dans l’artère. Le roi dormait du dernier sommeil. M. Portai leva la couverture, et se retournant du côté des assistants : « Le roi est mort, messieurs », dit-il en s’inclinant devant le comte d’Artois, « Vive le Roi ! » — Histoire de la Restauration, tome VII, p. 396. — Le maréchal Marmont, duc de Raguse, assistait aux derniers moments du roi ; il en parle ainsi dans ses Mémoires : « La mort de Louis XVIII est un des spectacles les plus admirables dont j’aie jamais été témoin. Il s’est montré avec la physionomie d’un