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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

quelque chose. Les gouvernements populaires surtout se composent des existences individuelles, et se font une valeur générale des valeurs particulières de chaque citoyen. Je serai toujours sûr de l’estime publique, parce que je ne ferai jamais rien pour la perdre, et je trouverais peut-être plus de justice parmi mes ennemis que chez mes prétendus amis.

« Ainsi, de compte fait, je serais sans frayeur des républiques, comme sans antipathie contre leur liberté : je ne suis pas roi ; je n’attends point de couronne ; ce n’est pas ma cause que je plaide.

« J’ai dit sous un autre ministère et à propos de ce ministère : qu’un matin on se mettrait à la fenêtre pour voir passer la monarchie.

« Je dis aux ministres actuels : « En continuant de marcher comme vous marchez, toute la révolution pourrait se réduire, dans un temps donné, à une nouvelle édition de la Charte dans laquelle on se contenterait de changer seulement deux ou trois mots[1]. »

J’ai souligné ces dernières phrases pour arrêter les yeux du lecteur sur cette frappante prédiction. Aujourd’hui même que les opinions s’en vont à vau de route, que chaque homme dit à tort et à travers ce qui lui passe dans la cervelle, ces idées républicaines exprimées par un royaliste pendant la restauration sont encore hardies. En fait d’avenir, les prétendus esprits progressifs n’ont l’initiative sur rien.

  1. Article du 24 octobre 1825, sur le discours d’adieu du président des États-Unis au général La Fayette. — Tome XXVI, p. 490.