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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

remplacer à Rome[1], fut nommé à l’ambassade de Vienne.

Avant de changer de sujet, je demande la permis-

    d’un homme, et à plus forte raison d’un homme qui, comme le duc de Laval, n’a jamais eu que de bons procédés envers moi. Le roi n’a pas de meilleur, de plus fidèle et de plus noble serviteur que son ambassadeur actuel auprès du Saint-Siège.

    « Dans cette position, qu’il me soit permis de m’adresser plus à l’ami qu’au ministre. Je ne pourrais accepter la haute mission dont il plairait à S. M. de m’honorer, que dans le cas où le duc de Laval croirait devoir lever lui-même mes scrupules. Jamais je n’occuperai sa place que de son aveu. C’est lui qui doit trancher la question.

    « Pardonnez, noble comte, ces importunités et ces petits intérêts personnels, bien ennuyeux dans l’ensemble des grandes affaires générales. Vous savez que je ne demande rien que d’être passif dans ces arrangements. Je n’ai d’autre désir que d’entretenir entre nous tous la bonne harmonie, et d’apporter au gouvernement du roi le peu de force que l’opinion publique veut bien attacher à mon nom. Mais ce n’est pas vous, mon noble ami, qui trouverez mauvais que je sois arrêté par un sentiment de délicatesse. J’aime beaucoup les libertés nouvelles de la France, mais je ne veux point les séparer du vieil honneur français.

    « Voyez, je vous prie, le duc de Laval avant le conseil, afin que vous n’ayez à porter au roi que l’accord, la soumission et la respectueuse reconnaissance de toutes les parties intéressées.

    « Mille compliments et dévouements, etc. »

    Les susceptibilités enfin aplanies entre les deux concurrents par des procédés honorables, le duc de Laval partit pour Vienne et Chateaubriand pour Rome.

  1. Chateaubriand partit pour Rome, comme nous le verrons au livre XII, le 14 septembre 1828. Un peu avant son départ, il lut, à la Chambre des pairs, dans la séance du 18 juin, l’éloge du comte de Sèze, mort le 2 mai précédent. Dans ses Mémoires, il ne dit rien de cet Éloge, qui n’a pas été reproduit dans ses Mélanges historiques, publiés en 1830. Il conviendra de réimprimer dans la prochaine édition de ses œuvres ces pages consacrées au défenseur de Louis XVI : elles sont parmi les plus belles que Chateaubriand ait écrites.