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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Je passerai chez vous demain à mon retour de chez l’abbé Sicard, en cas que vous vous y trouvassiez et malgré l’effet que ces visites dangereuses produisent sur moi.

« Votre très fidèle serviteur,
« Wellington. »

À son retour de Waterloo, entrant chez madame Récamier, le duc de Wellington s’écria : « Je l’ai bien battu ! » Dans un cœur français, son succès lui aurait fait perdre la victoire, eût-il pu jamais y prétendre.

Ce fut à une douloureuse époque pour l’illustration de la France que je retrouvai madame Récamier ; ce fut à l’époque de la mort de madame de Staël. Rentrée à Paris après les Cent-Jours, l’auteur de Delphine était redevenue souffrante ; je l’avais revue chez elle et chez madame la duchesse de Duras. Peu à peu, son état empirant, elle fut obligée de garder le lit. Un matin, j’étais allé chez elle rue Royale ; les volets des fenêtres étaient aux deux tiers fermés ; le lit, rapproché du mur du fond de la chambre, ne laissait qu’une ruelle à gauche ; les rideaux, retirés sur les tringles, formaient deux colonnes au chevet. Madame de Staël, à demi assise, était soutenue par des oreillers. Je m’approchai, et quand mon œil se fut un peu accoutumé à l’obscurité, je distinguai la malade. Une fièvre ardente animait ses joues. Son beau regard me rencontra dans les ténèbres, et elle me dit : « Bonjour, my dear Francis. Je souffre, mais cela ne