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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la rue, non-seulement comme un terrain neutre, mais étranger.

« Aujourd’hui il n’en va pas ainsi : le nom de l’Abbaye-aux-Bois est devenu populaire ; sa renommée est générale et familière à toutes les classes. La femme qui y vient pour la première fois en disant à ses gens : « À l’Abbaye-aux-Bois, » est sûre de n’être pas questionnée par eux pour savoir de quel côté ils doivent tourner . . . . . . .

« D’où lui est venue, en aussi peu de temps, une renommée si positive, une illustration si connue ? Voyez-vous deux petites fenêtres tout en haut, dans les combles, là, au-dessus des larges fenêtres du grand escalier ? c’est une des petites chambres de la maison. Eh bien ! c’est pourtant dans son enceinte que la renommée de l’Abbaye-aux-Bois a pris naissance, c’est de là qu’elle est descendue, qu’elle est devenue populaire. Et comment ne l’aurait-elle pas été lorsque toutes les classes de la société savaient que dans cette chambre habitait un être dont la vie était déshéritée de toutes les joies, et qui néanmoins avait des paroles consolantes pour tous les chagrins, des mots magiques pour adoucir toutes les douleurs, des secours pour toutes les infortunes ?

« Lorsque du fond de sa prison Coudert[1] entrevit l’échafaud, quelle fut la pitié qu’il invoqua ? « Va

  1. Il était compromis dans l’affaire de Bories. Ch. — Coudert avait pris pari à un complot militaire contre le gouvernement, le premier complot de Saumur, qui éclata au mois de décembre 1821. L’affaire fut jugée en février 1822 par le second Conseil de guerre de la 4e division militaire siégeant à Tours. Les accusés étaient au nombre de onze : huit furent acquittés ; trois furent