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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

paru alarmé de la discipline militaire imprudemment enseignée aux Turcs. Voici ses propres paroles :

« Si les Turcs sont déjà capables de résister à la Russie, quelle sera leur puissance quand ils auront obtenu une paix glorieuse ? Qui les empêchera, après quatre ou cinq années de repos et de perfectionnement dans leur tactique nouvelle, de se jeter sur l’Italie ? »

« Je vous l’avouerai, monsieur le comte, en retrouvant ces idées et ces inquiétudes dans la tête du souverain le plus exposé à ressentir le contre-coup de l’énorme erreur que l’on a commise, je me suis applaudi de vous avoir montré avec plus de détails, dans ma Note sur les affaires d’Orient, les mêmes idées et les mêmes inquiétudes.

« — Il n’y a, a ajouté le pape, qu’une résolution ferme de la part des puissances alliées qui puisse mettre un terme au malheur dont l’avenir est menacé. La France et l’Angleterre sont encore à temps pour tout arrêter ; mais si une nouvelle campagne s’ouvre, elle peut communiquer le feu à l’Europe, et il sera trop tard pour l’éteindre. »

« — Réflexion d’autant plus juste, ai-je reparti, que si l’Europe se divisait, ce qu’à Dieu ne plaise, cinquante mille Français remettraient tout en question. »

« Le pape n’a point répondu ; il m’a paru seulement que l’idée de voir les Français en Italie ne lui inspirait aucune crainte. On est las partout de l’inquisition de la cour de Vienne, de ses tracasseries, de ses empiétements continuels et de ses