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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

geur chez des sauvages d’un monde inconnu des Romains, et ambassadeur auprès de ces prêtres qu’on jetait aux lions ? Quand j’appelai Léonidas à Lacédémone, il ne me répondit pas : le bruit de mes pas à Torre Vergata n’aura réveillé personne. Et quand je serai à mon tour dans mon tombeau, je n’entendrai pas même le son de votre voix. Il faut donc que je me hâte de me rapprocher de vous et de mettre fin à toutes ces chimères de la vie des hommes. Il n’y a de bon que la retraite, et de vrai qu’un attachement comme le vôtre. »

« Rome, ce 7 février 1829.

« J’ai reçu une longue lettre du général Guilleminot[1] ; il me fait un récit lamentable de ce qu’il a souffert dans des courses sur les côtes de la Grèce ; et pourtant Guilleminot était ambassadeur ; il avait de grands vaisseaux et une armée à ses ordres. Aller, après le départ de nos soldats, dans un pays où il ne reste pas une maison et un champ de blé, parmi quelques hommes épars, forcés à devenir brigands par la misère, ce n’est pas pour une femme (madame Lenormant) un projet possible[2].

  1. Armand-Charles, comte Guilleminot (1774-1840). Général de division depuis le 28 mars 1813, il devint, lors de la campagne de 1823 en Espagne, chef d’état-major du duc d’Angoulême, et, en récompense de ses services, fut créé pair de France (9 octobre 1823), et envoyé par Louis XVIII comme ambassadeur à Constantinople, où il resta de 1824 à 1831.
  2. Une exploration de la Morée faite au point de vue de la science et des arts avait été organisée par le gouvernement, et M. Charles Lenormant avait été désigné pour en faire partie. Sa femme, nièce de Mme  Récamier, se disposait à le rejoindre.