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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

finir, de quelque cardinal insignifiant, tel que Dandini[1].

« Je me suis jadis, monsieur le comte, trouvé dans des circonstances difficiles, soit comme ambassadeur à Londres, soit comme ministre pendant la guerre d’Espagne, soit comme membre de la Chambre des pairs, soit comme chef de l’opposition ; mais rien ne m’a donné autant d’inquiétude et de souci que ma position actuelle au milieu de tous les genres d’intrigues. Il faut que j’agisse sur un corps invisible renfermé dans une prison dont les abords sont strictement gardés. Je n’ai ni argent à donner, ni places à promettre ; les passions caduques d’une cinquantaine de vieillards ne m’offrent aucune prise sur elles. J’ai à combattre la bêtise dans les uns, l’ignorance du siècle dans les autres ; le fanatisme dans ceux-ci, l’astuce et la duplicité dans ceux-là ; dans presque tous l’ambition, les intérêts, les haines politiques, et je suis séparé par des murs et par des mystères de l’assemblée où fermentent tant d’éléments de division. À chaque instant la scène varie ; tous les quarts d’heure des rapports contradictoires me plongent dans de nouvelles perplexités. Ce n’est pas, monsieur le comte, pour me faire valoir, que je vous entretiens de ces difficultés, mais pour me servir d’excuse dans le cas où l’élection produirait un pape contraire à ce qu’elle semble promettre et à la nature de nos vœux, À la mort de Pie VII, les questions religieuses n’avaient point encore agité l’opinion : ces questions sont venues

  1. Hercule Dandini, né à Rome le 25 juillet 1759, mort le 22 juillet 1840. Cardinal le 10 mars 1823.