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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

barbarie disciplinée, pour ces esclaves bâtonnés en soldats[1]. Que les femmes soient transportées d’admiration pour les hommes qui en épousent à la fois des centaines, qu’elles prennent cela pour le progrès des lumières et de la civilisation, je le conçois ; mais moi je tiens à mes pauvres Grecs ; je veux leur liberté comme celle de la France ; je veux aussi des frontières qui couvrent Paris, qui assurent notre indépendance, et ce n’est pas avec la triple alliance du pal de Constantinople, de la schlague de Vienne et des coups de poings de Londres que vous aurez la rive du Rhin. Grand merci de la pelisse d’honneur que notre gloire pourrait obtenir de l’invincible chef des croyants, lequel n’est pas encore sorti des faubourgs de son sérail ; j’aime mieux cette gloire toute nue ; elle est femme et belle : Phidias se serait bien gardé de lui mettre une robe de chambre turque. »

À MADAME RÉCAMIER.
« Rome, le 21 mars 1829.

« Eh bien ! j’ai raison contre vous ! Je suis allé hier, entre deux scrutins et en attendant un pape, à Saint-Onufre ; ce sont bien deux orangers qui sont dans le cloître, et point un chêne vert. Je suis

  1. Chateaubriand ne nous a pas donné le nom de la correspondante à laquelle était adressée cette lettre du 21 mars. C’est évidemment la dame dont il a parlé plus haut, dans sa lettre à Mme  Récamier, du 15 janvier 1829, et dont il disait : « J’ai reçu une lettre de cette dame spirituelle qui venait quelquefois me voir au ministère ; jugez comme elle me fait bien la cour : elle est turque enragée ; Mahmoud est un grand homme qui a devancé sa nation ! »