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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Le cardinal Albani, dans une position difficile, est obligé de l’expier : les protestations qu’il me fait de son dévouement à la France blessent l’ambassadeur d’Autriche, qui ne peut cacher son humeur. Sous les rapports religieux, nous n’avons rien à craindre du cardinal Albani ; fort peu religieux lui-même, il ne sera poussé à nous troubler ni par son propre fanatisme, ni par l’opinion modérée de son souverain.

« Quant aux rapports politiques, ce n’est pas avec une intrigue de police et une correspondance chiffrée que l’on escamotera aujourd’hui l’Italie : laisser occuper les légations, ou mettre garnison autrichienne à Ancône sous un prétexte quelconque, ce serait remuer l’Europe et déclarer la guerre à la France : or nous ne sommes plus en 1814, 1815, 1816 et 1817 ; on ne satisfait pas impunément sous nos yeux une ambition avide et injuste. Ainsi, que le cardinal Albani ait une pension du prince de Metternich ; qu’il soit le parent du duc de Modène, auquel il prétend laisser son énorme fortune ; qu’il trame avec ce prince un petit complot contre l’héritier de la couronne de Sardaigne ; tout cela est vrai, tout cela aurait été dangereux à l’époque où des gouvernements secrets et absolus faisaient marcher obscurément des soldats derrière une obscure dépêche : mais aujourd’hui, avec des gouvernements publics, avec la liberté de la presse et de la parole, avec le télégraphe et la rapidité de toutes les communications, avec la connaissance des affaires répandue dans les diverses classes de la société, on est à l’abri des tours de gobelet et des finesses de