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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sive du temps lui apporte, elle sera tranquille et purement italienne. Ce ne sont point quelques pauvres diables de carbonari, excités par des manœuvres de police et pendus sans miséricorde, qui soulèveront ce pays. On donne aux gouvernements les idées les plus fausses du véritable état des choses ; on les empêche de faire ce qu’ils devraient faire pour leur sûreté, en leur montrant toujours comme les conspirations particulières d’une poignée de Jacobins ce qui est l’effet d’une cause permanente et générale.

« Telle est, monsieur le comte, la position réelle de l’Italie : chacun de ses États, outre le travail commun des esprits, est tourmenté de quelque maladie locale : le Piémont est livré à une faction fanatique ; le Milanais est dévoré par les Autrichiens ; les domaines du saint-père sont ruinés par la mauvaise administration des finances ; l’impôt s’élève à près de cinquante millions et ne laisse pas au propriétaire un pour cent de son revenu ; les douanes ne rapportent presque rien ; la contrebande est générale ; le prince de Modène a établi dans son duché (lieu de franchise pour tous les anciens abus) des magasins de marchandises prohibées, lesquelles il fait entrer la nuit dans la légation de Bologne[1].

« Je vous ai déjà, monsieur le comte, parlé de Naples, où la faiblesse du gouvernement n’est sauvée que par la lâcheté des populations.

« C’est cette absence de la vertu militaire qui pro-

  1. Le duc de Modène se défendait de cette accusation. Voir, dans Chateaubriand et son temps, p. 363, les explications que donne à ce sujet M. de Marcellus.